Champagne : un marché en panne ?

Est-ce la fin des Champagnes à moins de 10 euros ? Il faut le souhaiter, pour la rentabilité de ceux qui pratiquaient ces déstockages forcément destructeurs de valeurs, d’image évidemment, et donc non durables.

Les conséquences de ces opérations, régulières depuis les années 90, ont été désastreuses pour les vins de Champagne. En effet, à cause de ces opérations très tapageuses relayées de façon très visibles dans les prospectus de la grande distribution, c’est progressivement le positionnement prix de l’appellation que les consommateurs se sont habitués à voir dégringoler. Et notamment les consommateurs des zones les plus sur acheteuses de Champagne, c’est-à-dire la région proche et le bassin parisien.

Un marché de masse gonflé aux hormones promotionnelles

Ce que créaient ces annonces, c’est un référentiel inconscient, quand bien même les quantités vendues à ces tarifs déshonorants étaient faibles. Leur existence et leur mise en avant par les centrales de grande distribution a contaminé l’ensemble du marché. « Ces opérations ont aussi permis la mise sur le marché de produits qualitativement très en deçà de la moyenne ce qui pénalise l’image de l’appellation » précise Jérôme Poiret, Responsable du Pôle Produit de Nicolas.

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Entre temps, le développement des ventes en grande distribution et leur dynamisation par une mécanique promotionnelle omniprésente (plus de 50% des volumes de Champagne vendus dans la GD le sont dans le cadre d’opérations promotionnelles) ont fait évoluer la dynamique de ce marché. D’un marché du « luxe accessible » comme le définissait l’étude d’image réalisée au début des années 2000 pour le compte du Comité interprofessionnel, les ventes de Champagne sont devenues des ventes « boostées ».

Et les incitations à l’achat se sont concentrées sur le signal du Prix.

L’appellation conserve cependant un net avantage en matière symbolique : « La dimension exceptionnelle du Champagne reste forte et importante : il faut absolument préserver l’image du Champagne du dimanche » rappelle Hervé Gomas, caviste à Paris et dans l’Essonne (Les Caves d’Ô).

La Loi Alimentation peut-elle contribuer à renverser la tendance ?

La Loi Alimentation récemment mises en œuvre peut renverser la situation : en effet, en restreignant les capacités de promotion, la loi peut aider à remettre progressivement les différents univers de produits à leurs « justes » niveaux… « A moins que la GD ne réussisse à développer des biais du type communication 100% gratuit sur le 3eme par ex, le champagne reste un moteur d’attrait non négligeable et cela ne poussera toujours pas à sa valorisation » s’inquiète J Poiret.

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De toutes façons, il faudra cependant du temps pour réhabituer les consommateurs à accepter des niveaux de prix de base « normaux ». Ces derniers se sont en effet habitués aux prix d’appel d’entrée de gamme. Et vu le populisme simplificateur ambiant, le risque est réel que les clients considèrent pour l’instant le retour aux prix cohérents comme injuste, car les pénalisant. C’est la critique générale formulée par l’association 60 millions de consommateurs début 2019 , soufflant sur les braises chaudes du pouvoir d’achat tendu des ménages et ce dans une attente de solutions sociales immédiates difficiles à réaliser.

Et la montée en puissance des sites internet n’arrange rien puisque, comme leurs concurrents physiques, les commerçants virtuels ont remis au goût du jour la carte sensationnaliste à grand coups de prix cassés mais avec en plus des capacités de diffusion infinies.

Ces opérateurs poursuivent donc le travail de sape de leur homologues de la grande distribution en faisant vivre de référentiels de prix bas, sans pour autant avoir les stocks adaptés donc en réorientant ensuite les visiteurs appâtés vers des Champagnes de toute façon plus chers, ce qui déçoit, forcément …

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La montée en gamme des Champagnes de vignerons fait sortir l’appellation du cadre établi

Mais au cours de la dernière décennie, les Champagnes de vignerons ont aussi su développer des segments de marché chez les cavistes et ces positionnements semblent également toucher aujourd’hui leurs limites.

En effet, rançon du succès oblige, la forte inflation des prix des Champagne de vignerons a dépassé des seuils d’acceptabilité. Rappelons honnêtement comme ces cuvées avaient réussi à s’introduire et se faire accepter par le marché au début comme des substituts honorables et moins chers aux marques traditionnelles qui faisaient jusqu’ici l’image et la notoriété de l’appellation.

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Un effet d’opportunité donc. Mais pas seulement. « Le consommateur a trouvé dans ces Champagnes une adéquation à ses propres valeurs d’authenticité, de réalité, d’humanisme et de cohérence. Un retour aux valeurs de la Terre trop souvent raillées et caricaturées par le passé, mais qui reprennent tous leurs sens aujourd’hui… » pour J-M Charpentier, dirigeant de la maison familiale éponyme de Charly.

Une approche globale et en effet complètement respectueuse et à la recherche d’une vérité de terroir qui le conduit à produire et vinifier en biodynamie ces vignes situées dans la Vallée de la marne.

Alors, certes, « les quelques stars réelles qui emmènent le marché ont certes trouvé leur clientèle, mais cela ne reste qu’une toute petite fraction de consommateurs » précise J Poiret qui rappelle surtout que  « le champagne est encore un réfèrent de célébration« .

Mais avec des entrées de gamme chez les cavistes qui flirtaient en 2018 avec le seuil des 20 € en moyenne nationale et un cœur de marché relativement proche, autour des 23 euros la bouteille (sources enquête annuelle caviste Equonoxe ; près de 1200 cavistes répondants), c’est l’ensemble de la gamme Champagne qui est rattrapée par ce signal Prix, plombé par des annonces promotionnelles qui continuent de polluer les perceptions et qui l’empêche d’augmenter dans les esprits de nos clients.

 Des substituts qui s’installent

C’est aussi sans doute en partie la raison du succès chez les cavistes des bulles venues d’ailleurs. « La qualité des effervescents des autres régions/pays ayant progressé, les consommateurs tournent parfois les talons » constate J Poiret. « Les cavistes ont en effet aujourd’hui à disposition une alternative qualitative qui les renforcent dans leur métier et ils sont en mesure d’orienter leurs clients vers ces découvertes ». Une tendance introduite par l’effet Prosecco qui a su mettre en avant des promesses d’exotisme et de légèreté accessible, et qui a légitimé la redécouverte des bulles d’appellations françaises.

Il faut aussi admettre que cette belle énergie a aussi été encouragée par des cavistes fatigués de se voir court-circuiter sans vergogne par les ventes directes des champenois.

La proximité du marché parisien facilite l’approvisionnement par les vignerons des particuliers parisiens et comités d’entreprise à des tarifs ne permettant plus aux intermédiaires traditionnels de promouvoir les bulles sparnaciennes. Ces manques de réflexions à long terme menacent aussi la poule aux œufs d’or …

Et tout devient systémique.

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Vers la fin d’un modèle ?

La course à l’originalité ne suffisant plus pour se démarquer, le marché du Champagne semble bloqué.

Bloqué par des attentes clientèles qui considèrent prioritairement le prix comme premier critère d’achat du Champagne. C’est en effet le critère premier retenu par les acheteurs d’alcools en France en matière de Champagne d’après l’étude Ipsos réalisée pour le compte du SCP fin 2018, un critère jugé principal aussi bien par les clients réguliers des cavistes que par leur clientèle plus épisodique ou par les autres acheteurs (voir article Quelle image des cavistes, résultats de l’étude clientèle Ipsos, dans cette même Lettre ou Qui sont les clients des cavistes ? premiers résultats de l’étude Ipsos dans la précédente Lettre d’Informations des cavistes, en archive sur le site.)

Bloqué par des prix d’entrée de gamme qui ont fortement augmenté chez les cavistes, facilitant ainsi le transfert d’achat de bulles non statutaires vers d’autres effervescents (étrangers ou français). En effet, les hauts de gamme des autres vignobles sont actuellement commercialisés 10 à 15 euros de moins que les Champagne de base vendus par les cavistes ce qui légitiment des positionnements sympas-vignerons-originaux (et moins chers) qui avaient fait en son temps le succès des Champagnes de vignerons.

Bloqué par des incitations distributeurs au point mort. La surenchère concurrentielle des différentes centrales, notamment sur le marché parisien particulièrement suracheteur de Champagne (voir profil des acheteurs de Champagne dans les pages adhérents ou partenaires du site), a finalement tellement joué la carte des prix bas, que le champagne est devenu un simple produit « de service » chez de nombreux cavistes.

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Un produit nécessaire mais pas différenciant.

Difficile donc de trouver la motivation nécessaire pour renverser la situation si en région d’un côté les vignerons ne comprennent toujours pas le rôle des spécialistes hexagonaux et continuent de pratiquer en vente directe des prix inférieurs à ceux que peut proposer en boutique le caviste. Des comportements destructeurs mais que de leur côté les négociants et marques à fortes notoriété n’ont rien à envier, eux qui ne jouent plus que la carte du grand Export, quitte à alimenter le marché France par des sites de ventes en ligne affichant des prix ne permettant là encore plus aux « commerçants physiques » de marger.

« Quand une entreprise peut acheter du Ruinart le même prix que le caviste qui lui doit en acheter 18 bouteilles,   le prix de référence d’un champagne premium perd tout de suite 30%  et le caviste qui se sent trahi abandonne la marque et récupère le linaire pour vendre autre chose qui marge mieux » dénonce Hervé Gomas, caviste à Paris et en Ile de France.

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« Ras le bol que les marques de Champagne pratiquent auprès des restaurateurs des tarifs à la coupe qui disqualifient complètent les cavistes. Les restaurateurs sont pourtant nos clients aussi et ces pratiques nous coupent les pattes» s’insurge Patrick Jourdain qui dans sa cave proche de Vichy accueille de nombreuses clientèles parisiens en week end ou séjours familiaux. « Dans nos boutiques aussi on assure la visibilité alors pourquoi ne pas nous en faire aussi bénéficier ? ». C’est en effet au nom de la visibilité donnée par les établissements gastronomiques que les maisons de Champagne justifient cette distorsion tarifaire.

« La question qui est posée, selon Yves Legrand, président du Syndicat des cavistes professionnels et caviste avant-gardiste durant toute sa carrière, est simple : est-ce qu’on veut continuer à produire des Champagnes à bas prix ou continuer à développer une valorisation solide de l’appellation ? Si c’est la deuxième hypothèse que souhaitent les champenois, ils ont davantage besoin des cavistes que d’agences de communication. »

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Et avec la disparition annoncée des capsules congés, la profession craint d’avance la multiplication des réimportations de Champagne par les centrales de grande distribution.

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Profitant des distorsions tarifaires des champenois entre les différents pays de l’Union européenne, les grosses centrales d’achat françaises organisent à grande échelle des achats et réimportations de volumes vendus moins chers, des volumes qui, recapsulés, alimentent déjà les fameuses opérations promotionnelles à bas coûts tant dénoncées.

De guerre lasse, de nombreux cavistes abandonnent progressivement ce segment devenu démotivant. La nature ayant horreur du vide, le boom des bulles houblonnées occupe progressivement des espaces de plus en plus étendus dans les boutiques…

Pourtant, le vignoble champenois est en pleine mutation.

La mécanique vertueuse champenoise est malmenée par des équilibres interprofessionnels fragilisés

La limitation volontaire de la zone d’appellation contraint en effet les champenois à chercher à gagner en valeur les volumes qu’ils ne peuvent pas accroître. Et le fait est que le taquet est atteint, ou quasiment.

Car du fait de la rareté de l’approvisionnement actuel, les équilibres interprofessionnels qui ont fait le succès du modèle champenois sont tendus.

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Et du coup les tentations opportunistes et spéculatives sont aussi fortes.

Le rapport de marché des vignerons augmentant, en tous cas de ceux qui produisent les raisins nécessaires à l’élaboration des cuvées, cela a progressivement pesé à la hausse sur le prix du kilo de raisins.

Car n’oublions pas que la matière première étant précieuse en Champagne, sa rareté justifie des tarifs supérieurs à 6 euros le kilo. Sachant qu’il faut environ 1,2 kilo pour faire une bouteille de Champagne, le seul coût de la matière première impose des positionnements haut de gamme qui « condamnent » le Champagne au luxe ou en tous cas à l’excellence.

« Je trouve exemplaire le modèle champenois et ses équilibres de redistribution de valeur, des équilibres fragiles mais ô combien équitables. Il ne faut pas oublier le côté extraordinaire  de cette mécanique collective que les champenois ont su inventer et qui a fait leur succès » rappelle Yves Legrand.

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Un statut difficile à maintenir lorsque la stratégie de communication délibérément prise dans le cadre du développement de la signature collective Champagne de vignerons est celle du Vin.

Ce parti pris, périlleux, a certes permis aux récoltants-manipulants champenois d’exister officiellement en tant que grands Champagne. Comme dans les autres régions, ces vignerons non seulement produisent des raisins mais les vinifient aussi directement et les commercialisent sous leur propres marques. Et contrairement à leurs confrères des autres régions, en Champagne, il ne suffit pas de vinifier les vins mais il faut aussi ensuite réussir l’étape de l’assemblage et de l’effervescence … et attendre au moins deux ans de maturation avant de commercialiser.

Mais si certaines cuvées bourguignonnes ou bordelaises flirtent en effet avec des cours dignes d’œuvres d’art contemporain, la relation objective avec l’univers agri-viti rigidifie fortement la capacité de valoriser autant que ce que l’imaginaire du Luxe permettait d’atteindre.

Et si les plus grandes marques de Champagne internationales, celles qui historiquement ont fait la notoriété et le positionnement du Champagne et leurs empires financiers, peuvent encore investir en aval pour dynamiser et renouveler leurs propres imaginaires, réputations, images de marque, et y regagner les frais supplémentaires induits par l’inflation du prix du raisin, les maisons de Négoce intermédiaire sont, elles, prises en ciseau.

L’histoire de la Champagne repose en effet sur la spécialisation des rôles entre les familles professionnelles : aux vignerons le rôle de produire des raisins de qualité et d’être rémunérés en conséquence via un prix du kilo qui intègre la VA immatérielle réalisée en aval par le Négoce et aux négociants d’assembler avec talents et subtilités cette matière première de grande qualité pour en extraire la substance et les subtilités qui feront les finesses spécifiques à chaque marque.

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A ces derniers aussi de faire reconnaître et consommer ces cuvées par les marchés mondiaux qu’il faut convaincre de la légitimité d’un prix forcément élevé, à l’image de cette artisanat du luxe traditionnel français.

Mais la mécanique est proche de la rupture. La menace qui plane sur les maisons de Négoce intermédiaires, qui faisaient la cohésion du modèle et sa durabilité vertueuse, est réelle. C’est pourtant ce négoce champenois qui portent l’Histoire prestigieuses de l’appellation : leur signature atteste du soin qu’elles ont porté à faire du raisin champenois un nectar. Sur le plan économique, le modèle du Négoce champenois est en lui-même un véritable patrimoine culturel que l’époque actuelle ne permettrait pas de reconstituer. Conçus par des générations de capitalistes industriels consacrant leurs richesses au développement de leur empire productif, l’époque financière actuelle fragilise leurs structures patrimoniales même.

Car pour pouvoir apporter aux vins les soins et le Temps nécessaires à sa complète plénitude, il faut pouvoir immobiliser des capitaux. Des immobilisations que notre système économique de plus en plus financiarisé a du mal à accepter car en attente de rentabilité rapide.

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Et comment laisser alors du temps au temps pour que puisse éclore les bénéfices des investissements qui doivent être faits en permanence pour nourrir la réputation des marques, leur image, pour défendre et renforcer leur positionnement là où il sera reconnu et valorisé, bref pour financer les dépenses indispensables et structurelles au modèle en marketing, en forces de vente, en communication, en relationnel, en frais de représentation … Toutes ces fonctions immatérielles qui font d’un matériau brut, la matière première, une oeuvre d’art.

Difficile pour les maisons de Négoce champenoises de taille modeste voire moyennes de trouver en interne les moyens d’injecter ces investissements, contraintes par des marges qui se contractent aussi, entre un prix de la matière première qui enfle et des prix en avant difficiles à défendre…

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« La tentation est grande pour la grenouille de se faire aussi grosse que le bœuf. Mais cela réclame des moyens. Beaucoup de maisons ‘intermédiaires’ se sont tournées vers des marchés exports plus difficiles à conquérir mais à moyen terme plus rémunérateurs. Seule inconnue, le poids du Brexit à venir et l’ouverture du marché Chinois pas encore ‘champagnisé’ qui pourrait à l’instar de Cognac bousculer les équilibres.

Le très critiqué LVMH est dans ce cadre une tête de pont qui a les moyens d’ouvrir les marchés. Néanmoins les marques fortes à l’export ne le restent que si elles sont visibles sur leur marché National. C’est là l’enjeu actuellement. Être visible et valorisé en France pour conquérir des marchés Export. Paris reste la référence. Les Cavistes ont là une place prépondérante et surement une carte pro-active à jouer. Il faut rappeler que la Champagne c’est 350 millions de cols…..un goutte d’eau dans un marché mondialisé. » analyse J Poiret.

Est-ce que ce vignoble, parisien par excellence, va se retrouver rattrapé par le syndrome cognaçais ? Un marché non plus riche d’acteurs divers et variés mais au contraire hyper concentré et principalement orienté à l’export … Même si chacun a beau jeu de dénoncer le rôle du géant LVMH, reconnaissons que la perspective possible de ce scenario dystopique est surtout alimentée par une dynamique économique à la dérive …

La transition est en cours

Mais gageons que ce qui a fait la grandeur historique des champenois puisse être confirmée à nouveau. Le génie des champenois, et leur force, c’est ce sens du patrimoine commun qui leur donne cette capacité à s’organiser collectivement pour réagir de façon pro-active (avant d’y être contraints par la marche des choses). Une dimension culturelle étonnante et qui reste très vivace.

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Reconnaissons-leur d’avoir à nouveau su prendre conscience du risque que fait peser sur les équilibres locaux cette saturation du marché.

Cela fait 20 ans déjà que les champenois ont travaillé aux moyens de donner du lest au marché. Ils ont dû pour cela s’attaquer à ce qui faisaient leur force principale, c’est-à-dire le verrou juridique qu’ils avaient eux-mêmes contribué à créer, celui de la zone d’appellation géographique, définie et inextinguible, et ce afin justement d’agrandir l’aire de l’appellation. D’après les projets, il s’agit en effet d’élargir à terme le vignoble actuel qui passerait de 33 500 ha à environ 43 000 hectares, et ce en garantissant la qualité et la spécificité des terroirs champenois, THE conditions indispensables à la production de la qualité des raisins qui sert de support principal au rayonnement de l’appellation.

Une première révision de l’aire d’appellation faite en 2015 permettra aux premières bouteilles issues des vignes plantées à cette occasion d’arriver sur le marché à partir de 2020. Mais pour ce qui concerne le gros du sujet, c’est à dire le sujet de l’extension de l’aire d’appellation, un très gros travail de fond a été mené pendant près de 10 ans, qui a débouché fin 2018 sur l’annonce des nouvelles communes inclues dans l’aire. Mais il faudra encore du temps avant que ne soient désignées toutes les parcelles qui vont effectivement être plantées dans ces espaces, puis que la région viticole parvienne à obtenir auprès de Bruxelles via son influence au sein de la délégation nationale les droits de plantation associés, puis qu’elles soient effectivement plantées.

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Et si on y ajoute l’attente de la 7ème année pour récolter un raisin digne d’entrer dans l’élaboration d’un champagne qui prend encore deux ans, c’est en décennies qu’il faut compter le délai avant que ne se concrétise complètement cette détente.

Et c’est une génération de vignerons et de négociants qui va devoir patienter en attendant et gérer la période de transition.

L’histoire du Champagne est donc bien plus passionnante que les seules histoires particulières de ces élaborateurs. Véritable laboratoire d’économie agricole pratique, au service de ces acteurs locaux et de tout l’environnement humain et foncier régional qui bénéficient directement ou indirectement de ces subsides et de la redistribution organisée là aussi collectivement, c’est un peu aussi de ces valeurs là qui se retrouvent dans les bouteilles commercialisées sur toute la planète. L’époque est à la recherche du Sens, de l’authentique, de l’honnête, du Beau. En cela les vins de Champagne restent des valeurs sures, qui méritent d’être regardées dans leur contemporanéité.

La Champagne, première AOC Bio ?

Car dans le même temps, c’est une véritable révolution verte qui est en cours en Champagne, discrète mais résolue, organisée là encore par la communauté culturelle champenoise et ses institutions, dans le cadre du programme Champagne 2030 qui a fixé comme objectif zéro herbicide dès 2025 et 100% des exploitations certifiées en 2030.

Après avoir sensibilisé très tôt les vignerons à la nécessité de raisonner en termes de développement durable, les différentes institutions champenoises ont en effet impulsé la conduite du changement, su trouver et tester les nouvelles pratiques à diffuser et accompagner le vignoble dans sa transition. Et même si la démarche est difficile, surtout dans une région aussi septentrionale, les résultat progressivement transforment le vignoble. La Fédération de vignerons indépendants de la Champagne (7,5% du vignoble champenois) compte 160% de vignerons indépendants certifiés en HVE voire en Bio en plus en deux ans , soit 30% de ses membres. Elle continue de les encourager dans ce sens.

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C’est d’autant plus méritoire que comme dans tous groupes sociaux qui vont plutôt bien, auto-satisfaits comme peuvent l’être les économies riches, la société agro-vigneronne champenoise pourrait ne pas du tout être motivée à se remettre en cause.

Pourtant, et malgré les difficultés climatiques, les mentions Bio, voire biodynamie, fleurissent chez les cavistes. Ils étaient 44,5% parmi les cavistes vendeurs de Champagne à proposer au moins une référence en Bio en 2018 (sur 950 cavistes répondants + cavistes Nicolas interrogés dans le cadre des enquêtes cavistes annuelles Equonoxe) contre seulement 35,3% en 2017. Une tendance de fond, qui s’accélère, et assurément un argument complémentaire utile à l’élévation du Consentement à payer des clients.

Pour faire grandir ces efforts et amplifier le phénomène, l’avenir du Champagne passe donc par les cavistes de France. Aux champenois de bien le comprendre et d’associer les cavistes à leur stratégie et de les inciter à y contribuer activement.

« Le bio et le sans sulfite ajouté  peuvent faire illusion à court terme  et il est vrai que les petits volumes des petites  pépites cavistes en empêche la grande distribution et le mass market …mais pour combien de temps ? Si l’exception devient la norme, la grande distribution emploiera les mêmes recette qui conduiront aux mêmes effets » craint Hervé Gomas.

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Les cavistes pleinement rappelés à leur rôle de distributeurs sélectifs

Justement. Aux cavistes aussi d’entendre ce qui est en train de changer en profondeur dans cette région et d’accompagner solidement les producteurs qui vont dans le bon sens …

« Mon père, Lucien Legrand [caviste lui-même] a été le premier à mettre en marché un Champagne sans aucun dosage, en Côte des blancs. Cela nécessitait des récoltes parfaitement saines, un premier pas vers ce qui s’appelle aujourd’hui Bio. Personne n’y croyait alors … » se rappelle Yves Legrand, fruit lui-même d’une tradition familiale caviste et qui peut attester du rôle de ces prescripteurs.

Si dans l’absolu, on ne peut que se féliciter de la montée en gamme des Champagnes de Vignerons, la contribution des cavistes est en effet essentielle pour porter cette progression. C’est l’analyse très juste de vignerons voire de négociants partenaires champenois qui choisissent activement le circuit prescripteur… mais qui regrettent cependant le  peu de soutien qu’ils rencontrent auprès des cavistes.

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« On retrouve souvent chez « Les Vignerons », de très petites structures familiales, avec des acteurs très impliqués mais tous multi-tâches, partageant difficilement une stratégie commerciale adaptée à un réseau de distribution cible. constate JM Charpentier. Distribuant le plus souvent multicanaux,  il en résulte des situations incompatibles avec le réseau des cavistes.

C’est à ce niveau où le caviste doit faire preuve de discernement dans le choix de ses fournisseurs « Champagnes » et peser de tout son poids d’acheteur afin de travailler avec des acteurs correspondants aux critères recherchés par le consommateur mais aussi ayant une politique commerciale claire dans le respect du réseau. Ces profils d’acteur (champenois) acteurs sont très peu nombreux, car, considérant que les cavistes distribuent 15% du vin en France, peu sont les champenois voulant se passer de 85% du marché !  Et pourtant, ces interlocuteurs existent, ce sont souvent des  gros vignerons ou petits Vignerons-Négociants.

Une démarche pleine de sens qui doit inciter les cavistes à davantage de rigueur dans leur choix de référencement.

Jean-Marc CHARPENTIER - CHAMPAGNE CHARPENTIER - Charly-Sur-Marne

Car « pour ces acteurs, je trouve que notre choix assumé et notre travail pour répondre aux problématiques spécifiques du réseau cavistes, et partager des ambitions communes pour finalement proposer au consommateur une offre cohérente dans une véritable relation de partenariat, ne sont pas reconnus à leur juste valeur !  » regrette un peu le champenois qui non seulement produit bio mais reste fermement convaincu de la pertinence de son choix des cavistes.

Même son de cloche du côté de nos maisons familiales partenaires qui, malgré les gros efforts et engagements apportés aux cavistes, regrettent de la part de ces derniers le peu d’attention portée à ces choix pourtant essentiels.

« Du travail en synergie reste à faire pour plus de connaissances et de mise en relation afin de donner du sens à cette démarche de vérité et d’intérêts communs. »

Aux uns et aux autres de comprendre leurs intérêts communs et de construire des partenariats adaptés aux enjeux.

Retrouvez nos études dans les pages réservées sur le site professionnel des cavistes www.cavistesprofessionnels.fr/pro.

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