Le COVID19, le CAVISTE 2020, le RETOUR DU GRAND PARDON

Chronique d’humeur par Yves Legrand, président d’honneur du Syndicat des Cavistes Professionnels

Les foires aux vins battent leur plein même si c’est un bide ; les tartuffes du jaja exposent sur de grandes affiches leurs médailles, comme celles placardées sur la poitrine des maréchaux soviétiques.

A chacun ses campagnes guerrières, selon son niveau de patriotisme. La baronnie bordelaise sort vainqueur avec un bordeaux AOP à 1,69 € (Lidl) suivit de près par un champagne à 7,49 €. Auchan joue les monarques avec un Château Lafitte-Rotschild en promo à 1069, 50 € … ce qui n’est que le prix normal du marché.

Et alors, me direz-vous ? 

Mais je vous réponds : tout est normal, légal, clairement affiché. Et d’ailleurs les spécialistes vins de la presse écrite, de la télévision, de la radio commentent les commentaires, tracent des courbes, donnent des statistiques. Comme pour le COVID 19, rien que des spécialistes. D’ailleurs, le vin n’est-il pas un produit hydro-alcoolique ?

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Camarades ! Pour lutter contre le « COVID 19», plutôt que d’acheter des masques chinois, précipitez-vous chez votre « CAVISTE 2020 ».

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Il vous conseillera sur l’état de votre odorat contre l’anosmie et de votre goût contre l’agueusie. Il vous recommandera de répéter plusieurs fois par jour (la nuit aussi) afin de lutter ardemment sur ce qui détruit l’âme du vin : la bêtise. Et il faudra boire à grande lampée et longtemps, parce que le combat durera autant que l’éternité.

Souvenez-vous de cette phrase d’Albert Einstein : « Il y a deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine ….mais, pour l’univers, je n’ai pas de certitude absolue. »

Le GRAND RETOUR vers le CAVISTE 2020.

Le télétravail, le chômage partiel redonnent un sens aux commerces de proximité et particulièrement dans les métiers de bouche, dont les cavistes. Le COVID 19 fait mieux que toutes les promesses sur la sauvegarde du commerce à visage humain. Humain, ça veut dire que tu as en face de toi le visage (masqué pour l’instant !) de celle, de celui, auquel tu remets ta confiance. 

Il est terrifiant, c’est un viol permanent des consciences y compris et surtout pour les décérébrés, de croire qu’une marchandise vendue en dessous de son prix de revient puisse leur apporter une satisfaction économique, sociale, culturelle. 

Allez, une autre histoire, c’est l’automne, le feu pétille dans la cheminée :

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Dernièrement, pour fêter l’anniversaire d’un ami que j’appellerai Pierre, nous avons dégusté en tête à tête, au calme, un Château Canon 1937, premier grand cru classé de Saint Emilion , sa date de naissance. Un turbot aux petits légumes « servait »le vin.

De par sa longue carrière dans les hautes sphères de la société, cet ami avait « bu » toutes les boissons possibles y compris des grands vins. Les conditions n’étaient jamais réunies pour apprécier ce qu’il buvait ; bruit, fumées, odeur empêchaient toutes rencontres intimes avec le vin. 

Au début, il me dit « je vais boire peu », puis il regarde la bouteille, découvre le millésime et me dit « Mais c’est encore bon ? ». « Et toi t’es encore bon ! » fût ma réponse. 

Vif d’esprit, il percuta, afficha un sourire incitatif. Les écoutilles grandes ouvertes, le vieux lion de 83 printemps, comme le vin s’ouvrait, l’office pouvait commencer.

Le grand cru classé d’une couleur brillante entre la cerise et la rose affichait son potentiel de séduction. Ensuite ce ne fût qu’élégance, finesse, passage secret (c’est-à-dire, on ne comprend pas, le ressenti ne passe pas par notre savoir), les notes de cette symphonie sortaient du terroir de Saint-Emilion et s’installaient dans notre corps avec volupté. Pierre dégustait à petite gorgée, son geste devenait de plus en plus inspiré.

A la fin du repas, il ne prit pas de dessert, ni café, il voulait garder ce goût précieux dans sa bouche, l’incruster dans sa mémoire. 

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Lui, homme de la Parole et du Verbe se taisait. En partant, il me souffla en remerciements : « Je ne savais pas que le vin c’était ça ». 

Le COVID 19 met le masque, le CAVISTE 2020 bas les masques !

« Buvez toujours, ne mourrez jamais » (Rabelais) 

Bon vin et bon vent, 

Y.L.

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Credits Photos Nicolas Studio9 – Vendanges 2020 au Chemin des Vignes par les CM2 d’Issy Les Moulineaux