Du web apero au retour du repas en famille, la convivialité en temps de confinement

Les français ont géré le confinement en se raccrochant à ce qui leur semblait rester solide. 

Alors pour ceux qui le pouvaient, notamment les catégories sociales confinées chez elles en télétravail ou au chômage partiel, les premières semaines ont été celles du web apero.

Un moment de socialisation à distance, un rendez-vous que les nouvelles technologies ont rendu possible sous prétexte de trinquer, virtuellement du coup, c’est-à-dire de partager un moment de convivialité. Pour rester relié aux autres.

Une société responsable et adulte

D’autres y liront une réaction à « l’absence de nécessité de désirabilité sociale ». C’est l’analyse des associations d’alcoologues qui, évidemment, n’imaginent l’usage de boissons alcoolisées que comme symptômes d’un mal être.

« Ainsi, du fait des modifications comportementales et des émotions négatives générées par la quarantaine (stress, ennui, isolement, frustration, anxiété, pensées catastrophistes, conflits interpersonnels, difficultés financières), il était légitime de s’attendre à une majoration de l’usage d’alcool, c’est du moins ce qu’interrogent plusieurs auteurs dont la psychiatre et neuroscientifique américaine Nora Volkow ».

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Or, selon l’étude CoviPreva réalisée par BVA pour Santé publique France, près d’un quart (24%) des Français ont diminué leur consommation d’alcool pendant le confinement, 65% l’ont maintenu à un niveau « normal » et seuls 11% ont déclaré que leur consommation d’alcool avait augmenté depuis le confinement.

La principale raison invoquée par ces buveurs qui justifient leur augmentation, c’est par la recherche de plaisir (pour 45%). Viennent ensuite des motifs moins « sains » : l’ennui (pour 32%) ou enfin le stress (15%). Ou sans vraiment de raisons avouées…

Donc au final, 5% des Français ont augmenté leur consommation d’alcool pendant la période de confinement pour des « mauvaises » raisons.

Vignes Copyright O Leydier

A contrario, 95% des personnes qui consomment des boissons alcoolisées en France ont semble t’il géré leur rapport à l’alcool pendant cette période particulière de façon raisonnable et en tous cas maîtrisée.

Une autre étude confirme que les français ont moins bu pendant le confinement. Selon le baromètre Odoxa établi en partenariat avec Le Figaro et Franceinfo, la part des Français disant boire de l’alcool de façon régulière ou occasionnelle a baissé de 6 points en deux mois, passant de 57% de consommateurs avant le confinement à 51% après.

Parce que le plaisir de vivre reprend le dessus

51% des 11% de buveurs qui ont augmenté leur consommation pendant le confinement expliquent avoir augmenté leur fréquence de consommation. Donc s’ils ne consommaient en temps normal de l’alcool que le week end et qu’au cours du confinement ils ont dégusté un petit verre tranquillement un peu chaque jour en profitant d’un peu de calme bienvenu permettant de décompresser, ils font partie de cette catégorie.

10% ont augmenté le nombre de verres bus les jours de consommation. 23% ont combiné les deux paramètres. Et 15% des répondants qui ont déclaré avoir augmenté leur consommation d’alcool n’auraient pas donné de raisons vraiment « cohérentes » selon la synthèse de l’étude.

Une autre enquête, la Global Drug Survey (GDS), enquête internationale existant depuis 2014 sur les consommations d’alcools et de drogues dans 30 pays, s’est lancée ce printemps dans une édition exceptionnelle dictée par la pandémie sur les comportements durant le confinement. 

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Et selon leurs résultats, celle d’alcool en France semble, certes, avoir légèrement augmenté en termes de nombre de jours de consommation dans la semaine. Mais les « vraies » conduites excessives (c’est-à-dire, selon l’étude, la consommation de cinq verres ou plus en une occasion, qui définit le binge drinking) auraient, elles, régressé. 

Ainsi, 47% des répondants français ont augmenté («un peu» ou «beaucoup») leur nombre de jours de consommation d’alcool dans la semaine depuis le mois de mars alors que pour 22% d’entre eux, il est resté stable, et qu’il a baissé pour 31% des répondants.

Et 37% des « gros buveurs » (personne qui consomme cinq verres ou plus en une seule occasion) ont réduit la fréquence de leurs consommations excessives pendant le confinement.

En résumé, les études convergent pour démontrer que les français ont globalement bien géré leur consommation d’alcool pendant le confinement.

Et que la recherche d’un plaisir motive l’essentiel de ces consommations.

L’apéro web, un rituel de détente utile aux catégories sociales urbaines (hyper)actives ?

L’augmentation de la consommation d’alcool est plus fréquemment mentionnée par les moins de 50 ans (entre 14 % et 17 % selon les classes d’âge), les individus vivant dans une ville de plus de 100 000 habitants (13 % contre 9 % des habitants d’agglomérations de moins de 100 000 habitants) et les parents d’enfants de moins de 16 ans (18 % contre 8 % des répondants n’ayant pas d’enfant de moins de 16 ans). Des constats comparables à ceux observés l’Association européenne des économistes du vin (EuAWE) associée à la Chaire Vins et Spiritueux de l’INSEEC U dans une enquête réalisée sur plusieurs pays également durant le confinement : 

M Bertossi et Y Berlie Dégustation La Dolia Castelnau le Lez

« C’est la catégorie des 30 à 50 ans qui a le plus augmenté sa fréquence de consommation d’alcool, alors que les jeunes auraient plutôt moins fréquemment consommé », rapportent les chercheurs

Bref, oui, en effet, l’apéro en ligne a été une tendance résolument urbaine, partagée par des populations en général actives, plutôt jeunes et/ou chargées de famille, et auxquels ça a permis parfois de faire une pause dans la journée de confinement vécue en famille … donc compliquée.

Carpe Diem

Qu’est-ce que les français ont consommé pendant cette période ?

Plus de vin, selon 44%  des sondés français par l’enquête menée par l’Association européenne des économistes du vin (EuAWE) associée à la Chaire Vins et Spiritueux de l’INSEEC U , et moins de bières.

C’est le plaisir qui figure en tête des arguments évoqués concernant le fait de boire du vin.  

Le revenu joue cependant un rôle primordial dans le comportement, avec une hausse de la consommation de vin pour les revenus les plus élevés. Les retours terrain des cavistes confirment ces résultats : que ce soit à Marseille dans les belles boutiques de La route des Vis (voir article ci-joint) ou en Normandie, des belles bouteilles ont été bues pendant la période : « j’ai eu quelques belles surprises vraiment, que ce soit pour les apéros web ou pour les fêtes dans les familles confinées ensemble par exemple, avec là des belles bouteilles à 40/50/60€ facile, un peu de champagne » rapporte Marc Pottier, le jeune caviste situé dans l’Orne (Caves Henri 4 à Argentan).

« Plus qu’un goût, les gens cherchaient du style, du caractère, du réconfort ! » analyse Aude Legrand, Caviste à Issy-Les-Moulineaux.

« Je sentais bien que pour certains, l’état d’esprit c’était « on a qu’une vie, et vu ce qu’il se passe y’a pas de mal à se faire du bien, autant profiter du moment présent avec les gens qu’on aime ».

C’est la tendance constatée par Fabrice Renner, qui avait lancé avant le covid19 un concept d’apéro dînatoire associant Gastronomie et diététique, livré à domicile : « Ça marchait encore mieux pendant le confinement. »

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Découvrir l’accessibilité et la diversité des gammes Cavistes

« Grosse dualité dans les demandes clients, constate Olivier Leydier (Les Vins d’Olivier, à Larché en Correze) avec d’un côté beaucoup de Cubi pays d’Oc rouge rosé pour le prix et des quilles prestigieuses 40-60€. »

Par contre, « Très très peu de spi [NDLR : les caves personnelles ont cependant été vidées, certes avec modération, mais elles ont appréciées si l’on en juge aux réachats massifs liés à la Fête des pères] et encore moins de Champagne. »

L’humeur n’était en effet pas aux célébrations, ce qui a pénalisé le vin des rois et des victoires durant le confinement, ce dont témoignent quasiment tous les cavistes interrogés.

Qu’est ce qui alimenté les apéro web ? « Du rosé ! » répond sans hésiter Christelle Taret, caviste à Neuilly.

Les caves du Parc C Taret 2019

 « Il faut dire qu’il a fait chaud » explique t’elle. La météo estivale des semaines de confinement a en effet beaucoup joué. Des consommations estivales donc, ce qu’on souligné la plupart des cavistes. « Des vins « apéro » comme des vins blancs secs ou des rosés clairs style Provence », indique Yohann Berlié, caviste à La Dolia dans le village montpelliérain de Castelnau le Lez.

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 « Avec les températures durant le confinement, en rouge la demande allait vers des vins légers style Loire Bourgogne Beaujolais et en blanc, beaucoup de Loire chenin et sauvignon» nuance Alexis Zaouk, caviste lui aussi dans les Hauts de Seine (et qui, avec son confrère Marc Pottier, est l’autre benjamin dans la liste des cavistes sélectionnés au Concours du meilleur Caviste de France).

Mais au final, la crise n’aurait pas particulièrement modifié les goûts ou les envies du moment des clients, selon le caviste de La Treille d’Or Olivier Thibaut, situé dans le 14ème arrondissement de Paris :

« finalement, les mêmes vins que dans le monde d’avant. Je n’ai pas noté de changement de stratégie d’achat ». Quelques nuances, ou signaux faibles cependant ? « Une tendance existait déjà chez nous et s’est nettement accentuée, évoque Aude Legrand, c’est la demande de vin peu alcoolisé (12 degrés max) ».

Cependant, la décontraction liée au confinement obligatoire, qui a permis à de nombreux français aussi de vivre des semaines agréables, reposantes, de se retrouver, a aussi facilité les lâcher-prise, de profiter de ces moments non-contraints par le temps … ou par les interdictions « on m’a demandé plus de vins légers/fruités. 

O Leydier Les Vins d'Olivier

Des vins faciles à boire . Comme ils ne sortaient pas de chez eux c’était moins grave si à deux ils se finissaient la bouteille, ils n’avaient de toutes façons pas le problème de la conduite après » analyse très justement Marc Pottier remarquant que certains ont bien profité de ces semaines de quasi-vacances pour grands et petits (lundimanche-mardimanche-mercredimanche-jeudimanche…), « des clients m’appelaient du lundi au dimanche ».

Des occasions en or pour recruter des nouvelles clientèles

Les cavistes ont été sollicités sur des vins d’entrée ou milieu de gamme, ce qui leur a permis de démontrer leur accessibilité sur ces segments-là : « des petits vins ou cubi. En général entre 8 et 12€, ils achetaient par caisse » (A Zaouk). 

« Pour ma part mes clients ont consommé différemment, ils sont allés sur des cubis et de vins un peu plus conviviaux et plus bas en termes de prix. Ils cherchaient clairement la « promotion » avant le conseil, du coup une autre clientèle est venue chez moi que je ne connaissais pas »

Ce qui a permis aux cavistes, contrairement aux préjugés, de proposer des vins compétitifs avec des très bons rapports-qualité prix. Et de se voir confirmer dans leur différence par rapport aux vins achetés ailleurs : «Beaucoup de retour clients sur la déception du vins en GD » souligne O. Leydier.

 Ces nouveaux clients que la covid19 ont permis aux cavistes de recruter, il va falloir les fidéliser. 

« « Sur nos clients habitués, nous avons observé qu’une maîtrise du budget s’est mise en place car plus de bouteilles achetées. On a vendu du rosé, du rosé, en bib beaucoup et en bouteilles. Gros attrait pour les promotions, ce qui n’était pas le cas chez nous avant. Beaucoup de nouveaux clients, nous espérons en garder quelques uns !  » du côté de la Cave du Chemin des Vignes, à Issy les Moulineaux, selon sa gérante Aude Legrand. 

Des clients donc raisonnables, à la recherche d’évasion, que le caviste peut accompagner dans son exploration des vins non standards. 

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« j’ai quand même réussi à les amener sur des vins hors région qu’ils connaissaient moins (Loire, Bourgogne). » (Yoann Berlie). « De l’atypique, de la surprise, du coup on a proposé les cépages qui sortent de l’ordinaire. » (A Legrand).

Et du fait du moment et de l’évolution de la structure de clientèle, les grands conditionnements ont été plébiscités.

Consommation quotidienne, temps estival, repas de (et en) famille, détente, tous les paramètres étaient réunis ; et dans toute la France, les cavistes sont unanimes : les BIB sont les formats qui ont le plus bénéficié du Covid. Au point de prendre de cours le concept dédié, Bibovino, dont les stocks ont fondu dès les premières semaines.

Ainsi que les grands formats permettant de stocker et de répondre à des cercles familiaux traditionnels recomposés à cette occasion.

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 « Les cubis ont pris le relais des bouteilles, car adaptés à des repas midi et soir dans le cadre du regroupement familial, souvent avec des anciens qui boivent du vin à tous les repas » rapporte Hervé Gomas, caviste au Coudray Montceau dans l’Essonne (Les Caves d’Ô).

L’intérêt des « bonnes vieilles habitudes » ?

Ce que décrivent les cavistes, c’est finalement des français qui ont retrouvé pendant la période de confinement des habitudes de consommation traditionnelles basées sur le plaisir de vivre, autour du repas, en famille et qui y associe le vin et les alcools de réconfort et convivialité.

Des temps de vivre qui auront sans doute permis de se retrouver lorsque les familles étaient réunies sous le même toit. Ou qui ont donné envie de la retrouver, ainsi que les amis et autres membres de sa communauté de cœur.

C’est ce que semblerait en tous cas décrire les comportements qui ont suivi immédiatement l’annonce du déconfinement. La perspective de retrouver ses proches a motivé les français.

Cela a été l’euphorie chez de nombreux cavistes et ce sans discontinuer jusqu’à la fête des pères.

Alors que les chiffres Nielsen des ventes d’alcool en grande distribution, les montraient en baisse de 4% durant ces deux mois de confinement, ils retrouvaient des niveaux très élevés dès le 11 mai (+ 23%). 

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Retrouver du temps pour le savourer… Pour ceux qui ont pu profiter pleinement de cette liberté précieuse, la période du confinement restera une parenthèse enchantée et les cavistes des gardiens de ce trésor. Une image valorisante, chaleureuse, utile … à continuer de faire rayonner !

Jarres en terre creditphoto O Leydier

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