VinoCamp : les nouvelles technologies au service du monde du vin

vinocampLe vendredi 6 mars dernier a eu lieu la 18ème édition des VinoCamp à la Maison des métallos.

Un lieu aux multi-espaces, propice à une dynamique de bricoleurs géniaux et au jaillissement des idées et réflexions créatives.

Car derrière ce nom bizarre, et qui suscite de plus en plus de curiosités de la part des non-initiés, se cache un rassemblement dynamique de blogueurs et autres créateurs d’entreprises innovantes dédiées au monde du vin.


Parmi les 300 chanceux présents (places limitées), de nombreux professionnels de la communication viti-vinicole, producteurs ou interprofessionnels, qui s’interrogent sur l’efficacité et l’évolution des nouvelles formes de communication sur le vin.

Un rassemblement donc riche de ses composantes mais aussi de la liberté des échanges qui fusent lors des nombreux ateliers thématiques. Une sorte de « désorganisation créative » pleinement assumée par les organisateurs qui installent ainsi une ambiance un peu brouillonne, un climat sympathique au sein duquel le tutoiement est de mise …

Au fur et à mesure des éditions, les démarches entrepreneuriales prennent aussi de l’ampleur et ce sont 12 jeunes entreprises qui, cette année, ont pu présenter leur projet et concourir au titre de la meilleure start up de l’année.

De vrais enjeux de société qui se jouent

18474-650x330-vin-et-internetwayneg--fotoliaL’enjeu des nouvelles technologies est réel, comme le rappelle Carole Vainqueur, de Vin et Société, qui évoque les bouleversements à venir du développement des objets connectés.

De 2,5 milliards en 2009, notamment des téléphones ou ordinateurs portables, les prévisions tablent sur 30 milliards pour 2020 … et 11 millions de foyers français en seraient équipés en 2017. Quelles conséquences pour l’univers des vins ? Faut-il donc se préparer à ces caves connectées, fantasmes d’industriels qui non seulement assureraient des conservations idéales aux crus que les consommateurs de demain leur confieraient, les serviraient aux conditions adaptées, mais aussi qui en assureraient le réapprovisionnement … ?

Ah ?

Pour éviter au consommateur la « corvée » de l’achat, peut-être ? Des rêves de grandeur de businessmen qui, à nouveau, oublient que le vin n’est pas un bien de consommation classique et que le plaisir, pour les consommateurs amateurs, se joue aussi lors de l’achat, ce que le succès toujours actuel du Caviste confirme.

dreamstime xs 1564067L’Information comme marchandise ultime

Les nouvelles technologies s’insinuent néanmoins dans de nombreux autres volets de nos habitudes et comportements, notamment en matière du rôle donné aux informations disponibles, propulsées au rang de marchandises.

Selon Vin et Société, les données ont été multipliées par 100 entre 1987 et 2007 dont 90% crées ces deux dernières années. Leur nombre doublant tous les ans ou deux ans, la révolution informationnelle en cours est sans commune mesure avec celle provoquée par l’invention de l’imprimerie.

Leur exploitation par des professionnels du marketing ciblé suscite déjà beaucoup de convoitises et si de gros faiseurs se sont déjà positionnés sur le marché, partisans d’un supermarché planétaire sans limite au consumérisme, de nombreuses niches spécialisées sur le vin attirent des concepteurs d’applications ingénieuses cherchant à simplifier la vie des consommateurs en s’appuyant sur leurs goûts et appréciations sensorielles (voir plus loin les différentes applications mobiles sur le vin).

Instrumentaliser les opinions des consommateurs, nouveau levier de croissance

Les sujets de science-fiction ne manquent pas en effet, et pour intervenir sur la formation de leurs préférences, le Social Commerce figure comme le nouvel eldorado des faiseurs d’opinion, les communautés du vin étant perçues comme des accélérateurs de tendance et donc des leviers de développement à bien manœuvrer.

Comment alors aborder ces consommateurs libres de leurs préférences ? C’est le rôle des applications smartphone, sujets de toutes les attentions. Toujours selon Vin et Société, 37% des français consultent déjà leurs blogs via leur portable contre 27% qui utilisent les réseaux sociaux. Et la tendance s’accélère puisque 29% des français avaient téléchargé une appli en 2013 contre seulement 7% en 2011.

pourquoi-copier-ses-concurrents-sur-internetDes sujets de pleine actualité aux enjeux économiques majeurs justifiant le soutien de nombreux sponsors, interprofessions comme entreprises de vins ou spiritueux, de Nicolas, ou même d’accélérateurs de start up, à cette 4ème édition parisienne de VinoCamp, la 3ème soutenue activement par Vin et Société. L’association, en première ligne pour défendre la place du Vin dans la société, a pu, lors de ce rassemblement, rappeler l’enjeu de se saisir de ces bouleversements mediatico-technologiques et de se battre pour que les nouvelles dispositions de la prochaine Loi de santé, qui intègre les dispositifs dits « Loi Evin », ne restreignent le champ d’expression du Vin sur internet. Rappelons que ce media, trop récent, n’avait du coup pas été pris en compte lors de la rédaction initiale de la loi en 1991.

Le boom des applications de reconnaissance d’étiquettes

Le VinoCamp est rythmé par différents ateliers qui favorisent les échanges d’expériences entre concepteurs, utilisateurs et professionnels du vin (et des alcools).

L’un d’eux abordait le boom des applications basées sur des logarithmes permettant la reconnaissance d’étiquettes à partir de photos scannées avec les smartphones.

A cette base, les différents concepteurs d’applications ajoutent des accroches ludico-pratiques qui incitent les utilisateurs à utiliser leurs applications : des informations sur le vin (où le trouver ? Combien coute t’il ?), des outils de gestion de Cave, des outils pour mémoriser les dégustations, etc …

« l’internet mobile », une nouvelle ère d’immédiateté générée par les smartphones

C’est l’application anglo-saxonne Vivino qui fait référence dans ce domaine. Ce « scanneur » de vins, en activité depuis 2009, s’appuie sur une bibliothèque de contacts et de vins déjà bien fournie, un préalable que les intervenants à cet atelier évaluent à 100 000 au minimum. Mais l’outil, qui compte cependant déjà plusieurs millions d’utilisateurs, souffre encore de sa grande jeunesse ce qui motive les challengers français pour jouer leur différence et implanter leur propre application sur le marché hexagonal.

Pour contourner des problèmes de fiabilité apparemment trop fréquents sur l’application originelle, les informations fournies ne correspondant pas forcément à l’image scannée, les concepteurs de Tagawine, première application française sur ce segment pour l’instant, ont réintroduit des modérateurs chargés de valider toutes nouvelles références scannées. Les déceptions génèrées par ces désagréments freinent en effet le développement de ces nouveaux comportements, Le modèle utopiste (et ultralibéral) d’une libre régulation par des communautés de clients s’autorégulant s’éloigne donc, tandis que de véritables modèles d’entreprises émergent, même si leur rentabilité n’est pas encore avérée…vinocamp paris 2015

Néanmoins, le rôle prescripteur donné à ces applications, dès lors qu’elles assurent un rôle effectif de media diffuseur d’informations à un auditoire suffisamment large pour devenir influent, rend le challenge jouable économiquement.

Qui peut prétendre aujourd’hui que la création et la diffusion large, grâce à ces applications et à leurs communautés, de palmares des vins préférés n’aurait aucune conséquence sur leurs ventes ? Chacun devient alors bien conscient de leur potentiel rôle en termes d’accélérateur de marchés.

Et à cela s’ajoute leur aptitude à renvoyer in fine les utilisateurs vers les lieux de commercialisation, via module de géolocalisation.

Des gros opérateurs déjà sur les rangs

L’exemple chinois du whoshasha, reposant sur la technologie du code barres obligatoire pour le vin sur ce marché outil, devenu incontournable, peut inquiéter car il semble avoir déjà trusté de nombreux marchés. Quelquepart, c’est le pari joué aussi par venteprivee.com qui, s’appuyant sur ses 18 millions de contacts à l’échelon européen, les valorise maintenant en négociant leur stimulation par boitiers type QRCode installés en boutique et chargés d’attirer les « proies » à proximité.

Des dispositifs de très grande ampleur, forcément efficaces de par leur omniprésence.

Mais la très forte typicité des marchés en matière de vins, notamment dans les pays de production historiques, semble exclure toute transposition de modèles purement marketing.

Mais en sera t’il ainsi encore longtemps ? Est-ce que la culture du « Réflexe caviste » resterait pérenne dans ce contexte ? Le risque existe, en effet, que les consommateurs, progressivement, comme ils le font pour les livres, s’habituent aux nouvelles formes de conseils sur smartphone.

Des contre offensives à concevoir peut être, s’inspirant pourquoi pas d’autres exemples. En Amérique du Nord, cela fait près de 10 ans que des « grappes » de sites, réunies par exemple par le comparateur de prix winefounder.com, permettent aux différents Cavistes de communiquer sur leurs gammes. Ils communiquer sur les prix qu’ils pratiquent, s’agrégeant ainsi à de moteurs de recherches aux larges tentacules, leur géolocalisation permettant d’orienter les clients en recherche de références précises. Ces agrégations de sites indépendants apportent une réponse efficace contre les « sites-aspirateurs » marchands qui, grâce à des gammes très larges mises en ligne, captent les recherches de vins les plus larges.

C’est toute une nouvelle économie qui nait

Le fait de se raccrocher à ces sites ou applications conçues d’abord comme outil au service du consommateur, est donc un moyen de ne pas se faire gommer face à l’expansion de communautés de clients déjà gigantesques.

Si Cdiscount et VP.com se positionnent déjà comme principaux opérateurs du vin sur internet, nul doute que les applications de service, comme celles reposant sur la reconnaissance d’étiquettes, joueront un rôle.

Une évolution à suivre et à accompagner afin de ne pas la subir.

Quoiqu’on en pense, cette forme de communication devrait trouver sa place et il serait dommage que les Cavistes ne s’en saisissent pas. Au risque sinon de se voir ringardiser.

Il ne s’agit en effet pas de s’opposer à une évolution inéluctable dès lors que les outils vont exister et leur usage progressivement rentrer dans les mœurs. L’intermédiation des réseaux sociaux ne remplacera pas pour autant la relation directe et fidèle entre le client et le commerce physique. Le renvoi au magasin est un accélérateur de marché potentiel.

Ce qu’apporte ces outils, ce n’est plus seulement, aujourd’hui, de communiquer à l’extérieur de la boutique, mais aussi d’aller à la rencontre du futur client là où il est déjà, c’est-à-dire dans ses communautés d’utilisateurs, des sociétés virtuelles, instables, protéiformes, qu’il faut réussir à driver jusqu’au point de vente.

L’enjeu des catalogues

220 copas vinoCes communautés de clients enjeux concernent aussi les producteurs, de plus en plus nombreux à s’enregistrer sur les différentes applications qui leurs sont proposées, ce qui facilite aussi la constitution des bibliothèques et accélère ainsi l’identification des références.

La question de ces catalogues, ou bibliothèques, de références, très gourmandes en termes d’espaces de stockages, devient un enjeu. Elles devront rapidement, pour être pertinentes à l’usage, intégrer les 120 000 références de vins estimées produites en France (hors millésimes ou modifications d’étiquettes).

Finalement, il y a des chances pour que ce soit ceux qui stockent et organisent ces catalogues qui s’assurent de l’émergence de standards à partir desquels s’organiseraient les différentes applications conquérantes du marché. Celles-ci pourraient alors se consacrer à atteindre la taille critique leur assurant d’une bonne visibilité. Les différents concepteurs participants à l’atelier ont émis l’idée de s’organiser pour en construire une commune, une démarche d’économie collaborative qui les intéresse tous et qui souligne l’intérêt certain de ces VinoCamp pour lesecteur du vin.

De vrais enjeux, de vrais défis, les leaders de demain sont peut être aujourd’hui sur les starting blocks et si dans ces différentes courses, « la victoire est supposée acquise aux rapides contre les lents », la prime ira au final à celui qui aura joué les bonnes cartes… et qui résistera. Car la viabilité économique de ces nouveaux modèles n’est pas encore clairement assise, un paramètre normal dans toute économie de l’innovation.

Pour les Cavistes, l’avenir implique de bien jouer et valoriser leurs spécificités, de continuer à basculer du positionnement originel de « vendeurs de bouteilles », de plus en plus concurrencés, à celui de Cavistes professionnel du vin qui apporte du service (conseil, expertise, accompagnement, relationnel, formation et informations, prêt à servir ou à offrir, …) tout en se tenant prêt à capter les flux de clientèles potentiels que peuvent brasser et lui renvoyer, si il s’y est bien amarré, les différentes applications numériques.

Par ailleurs, l’ordre succédant au désordre, la profusion des références existantes pourrait aussi générer, à terme, des fragmentations de ces communautés d’amateurs de vins par univers de produits. C’est la réflexion intéressante formulée par un producteur ligérien et mélomane, qui s’interrogeait, lors de l’atelier, sur le glissement possible, pour les vins, vers ce qu’il a observé dans le monde de la musique, avec émergence de sites, applications et communautés d’auditeurs très spécialisés.

Une telle évolution est-elle transposable dans le vin ? Y aurait-t-il de quoi nourrir des passionarias de tels ou tels cépages, ou terroirs ? L’avenir le dira…

Rentabilité et viabilité de cette nouvelle économie ?

personnagescrutantSelon le baromètre SoWine, 37% des français qui s’informent sur le vin consultent des blogs et 23% les réseaux sociaux. Un autre atelier abordait donc la question des retours sur investissements actuels des communications digitales.

Plusieurs dizaines de vrais professionnels de la communication viticoles se sont ainsi échangés les best practices, et nombreux finalement reconnaissaient leur difficulté à bien maitriser la rentabilité des investissements consentis dans ces réseaux sociaux.

Et si les objectifs sont différents entre responsables interprofessionnels, mobilisés par des objectifs de communications sans objectifs directs de ventes, ou gestionnaires de sites marchands, la plupart des professionnels présents avouaient cependant leur perplexité quant aux résultats réels de leurs campagnes. Les taux de transformation des accroches et tags relayés par les réseaux sociaux, en termes de rabattage vers les sites ou contenus dédiés, restent en effet limités.

Et l’enjeu d’image reste le seul objectif justifiant ces investissements, car tout objectif de ventes directes doit apparemment rester secondaire, la rentabilité de cet exercice restant fantasmagorique du fait des très faibles marges pratiquées sur les vins et les coûts logistiques associés. Les difficultés des différents sites spécialistes de ventes en ligne ne peuvent que confirmer ces constats partagés.

Sur facebook, qui devient un media majeur en termes de relais d’informations, ce sont les contenus brefs, les petites historiettes faciles et instructives qui attirent les consultations, alors que les contenus plus fournis et documentés font moins le buzz. Confirmation que les nouvelles technologies ne révolutionnent finalement pas tant que ça les esprits.

Pour un commerce, l’achat d’un référencement sur google+ et son module de goélocalisation semble finalement rester, et de loin, le plus immédiatement efficace (et moins cher) par rapport aux Facebook, twitter et autres instagram. Un professionnel avisé recommande, si le commerce est un peu excentré, de jouer la carte de l’originalité en se référençant d’abord sur des applications destinées par exemple à des (oeno)touristes circulant dans les vignobles, rabattus ainsi plus facilement sur les commerces situés ailleurs que dans la grande ville.

Le rôle du Caviste, toujours copié, jamais imité

Et chacun finalement de revenir, comme en conclusion de ces échanges hyper sincères et intéressants, que finalement rien ne remplace le bouche-à-oreille et la référence donnée par l’image du Caviste, le modèle finalement au cœur de toutes les préoccupations.

Conseil VinMais si certains outils méritent d’être intégrés par les Cavistes, l’échec total, pour l’instant, des bornes QRCode installées dans les univers de Cavistes, fixe les limites aux rêves d’industriels.

Car selon le même baromètre SoWine ce sont 53% des français qui comptent sur les Cavistes pour s’informer sur le vin, les premières sources devant l’entourage, signe de leur indétrônable proximité.

Parce que chez les Cavistes, l’acte d’achat est déjà un plaisir, ce qu’apprécient les clients des Cavistes à l’heure actuelle, c’est aussi de pouvoir justement oublier l’accélération du temps, d’ouvrir une parenthèse pour s’évader un peu et de garder un peu à distance les sollicitations permanentes d’un monde certes hyper connecté mais surtout oppressant. Alors que le vin tel qu’il est proposé chez les Caviste, c’est du Plaisir de vivre.

Peut-être que le plus simple et le plus rentable serait de donner plus de moyens et de marges, aux Cavistes, pour qu’ils puissent rayonner davantage, au service du vin et de leurs fournisseurs ?

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